mardi 14 avril 2009

Des nouvelles récentes du Château (2)

- II -



La culture d’une société a ses champs, ses paysages et ses transhumances : son devoir est un devoir de conservation de normes langagières et d’habitus sociaux qui impliquent un cadastre, un plan urbain des villes et des hommes, une façon de penser et de se comporter. La singularité et la présence physique d’un corps n’ont pas de valeur pour elle, la main qui écrit et la voix qui traverse l’écriture n’ont pas de valeur, seule compte la trace graphique, sa signature, donnée ou data. Et comme la culture est une norme, comme elle enseigne et élève, elle ne peut embrasser le bien, le vrai et le beau qui sont sa marge et ses stigmates. Actuellement, l’Ecole Normale française est particulièrement incompétente en matière de littérature contemporaine ; elle ignore, par exemple, quels sont les contemporains français qui écrivent de la poésie, ou bien elle le sait, mais cela qu’elle sait, et qui est l’essentiel, ne peut être enseigné, parce que ce n’est pas au programme ou que c’est trop difficile, ou que l’élève n’en a cure. Voilà pour le beau. Mais pour le bien aussi, l’Ecole Normale est particulièrement incompétente, parce qu’elle n’a pas les moyens financiers pour qu’il en soit autrement. Et pour le bien comme pour le beau, il faut naturellement de l’argent. Si l’Éducation Nationale a les bagages théoriques pour aider ses élèves les plus faibles, l’Etat lui ôte ses budgets, de sorte que l’enseignant se retrouve souvent étonnamment seul avec un programme inconciliable avec les besoins sociaux et linguistiques des enfants et des adultes démunis, un programme pour enfants et des référentiels pour adultes qui ont oublié que l’écriture était avant tout un geste, une façon de tenir un crayon et de donner à l’apprenant l’initiative de parler et de s’exprimer. Pris depuis trois siècles dans des moules disciplinaires et une gestion des corps, la culture française ignore l’expression corporelle et le sens du toucher en tant qu’enseignement vivant. Le corps n’est pas un vecteur pour elle, ou, plutôt, il est pour l’institution, un implicite, un sous-entendu et, curieusement, un mensonge de polichinelle. Tenir un stylo ne s’apprend pas, c’est un jeu, comme la pâte à modeler, et le jeu n’est pas sérieux.

Le jeu, c’est devenu l’affaire du para : paramédical, para-social ou culturel ; cela se sous-traite avec les ateliers de Tartuffe, la psychologie du travail, l’art thérapie, l’atelier d’écriture, le processus de renarcissisation, le coaching, la méthode Coué et les fumistes.

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