dimanche 18 janvier 2009

Logique de l'indigence (5)


Il y a un système administratif poussant le chômeur à la faute. Le système administratif n’a qu’un nom pour qualifier l’acte qu’il lui pousse à commettre : la fraude, et cette fraude est, pour ce système, autant un moyen de gagner de l’argent que de le rendre coupable. Le système administratif et le système bancaire n’ont pas intérêt à sortir du besoin le précaire et le chômeur, leur dépendance permet une marge bénéficiaire établie sur le fait que le coût de leur vie est supérieur à l’argent qu’il leur est permis de dépenser.


La fraude est ce qui permet au système administratif de se payer sur le dos du chômeur et du précaire ; son pendant à la banque est le recours aux agios, en cas de débit important d'un compte ou de débit au-delà des capacités de caisse. Mais la fraude établie par l'administration est plus pernicieuse, parce qu’elle induit le fait que le chômeur est dans son tort. En outre, alors que le recours aux agios est monnaie courante dans le système bancaire, la fraude intervient aujourd’hui non pas une fois pour toute, mais pour une courte durée et dans le délai accordé au chômeur pour rembourser la fraude. Comme pour le débit dans le système bancaire, la fraude est un élément du système administratif pris en compte par des fonctionnaires, au même titre qu’une écriture comptable. Le fraudeur se doit de payer, et le mois suivant, il n’est plus fraudeur.


Le chômeur est donc un travailleur par intermittence, un fraudeur par intermittence, un coupable par intermittence. Il est coupable et il n’est pas coupable. Il est virtuellement coupable à vie, pour les médias, il est fraudeur à vie ; mais, dans les faits, il est victime d’une justice des frappes, proche de la guerre des frappes, le cobaye d'une modularisation de la faute, de la peine et de la culpabilité.


Le K de Kafka est aujourd’hui coupable et il n’est pas coupable, il est condamné à mort et il n’est pas condamné à mort, il accepte sa condamnation et il n’accepte pas sa condamnation, il meurt et il ne meurt pas. Il n’y a plus de remords, il n’y a plus de regret, il n’y a plus de conscience, mais une granularité, un grain, une poussière...


Anubis-psychopompe tient un pendule dans sa main, au lieu de sa balance.